La minute des experts est alimentée cette semaine par Prof. Jean-Michel Lecerf, Chef de service de l'institut Pasteur de Lille et Béatrice Morio, Directrice de Recherche de l'INRAE et membre du comité de programme de Good.
Les aliments sucrés sont naturellement source de réconfort et de plaisir. Des sodas aux biscuits en passant par les plats industriels, le sucre a envahi les rayons alimentaires et l’on en dit maintenant le plus grand mal. Alors que faut-il en penser ? Fait-il grossir, donne-t-il le diabète ? Abime-t-il le cœur et les artères ?
De quoi parle-t-on ?
On parle tout d’abord du sucré au goût. On trouve naturellement le sucre dans les aliments : saccharose, glucose et fructose essentiellement, dans les fruits et leur jus. On les trouve aussi dans la majorité des aliments industriels transformés et les boissons sucrées (nectars de fruits et sodas) parce que ces aliments ont été enrichis en saccharose et/ou en fructose, on parle alors de sucres ajoutés. Pour savoir si ce que vous consommez contient des sucres ajoutés, il faut savoir décrypter les étiquettes et identifier ce qui fait partie du sucre. On distingue les différentes formes de sucre : brut, en poudre, inverti, sirops, caramel, jus concentrés, mélasse. Ces sucres peuvent provenir de la canne à sucre, de la betterave, de l’agave, de l’érable, du miel ou de fruits comme la pomme ou le raisin. Puis, il y a tous les noms en « oses » : dextrose, fructose, galactose, glucose, lactose, maltose, saccharose, xylose. Enfin, il faut aussi prendre en compte les sucres « cachés » : amidon modifié, maltodextrine, dextrine, dextrane, extrait de malt d’orge.
On parle ensuite du cœur, dont le rôle est largement connu du grand public. Sa fonction principale est d’assurer la circulation sanguine. Lorsque le cœur n’assure plus suffisamment efficacement cette fonction, le terme médical est insuffisance cardiaque. Le cœur est irrigué par les artères coronaires. L’athérosclérose, que l’on peut pour simplifier résumer à des dépôts de graisse dans les vaisseaux, peut entraîner la maladie coronarienne qui résulte d’une obstruction partielle d’un ou plusieurs vaisseaux coronaires, ou en cas de thrombose, un infarctus du myocarde. L’athérosclérose résulte de plusieurs facteurs de risque (tabac, hypertension, hypercholestérolémie, diabète, obésité) parmi lesquels la nature de l’alimentation peut jouer un rôle.
Le sucre ou certains sucres en particulier peuvent-il jouer un rôle dans la maladie coronarienne ?
En tant que tels, la réponse est non. Aucun aliment en soi n’est nocif pour la santé en général, y compris les sucres pour autant qu’ils soient consommés en quantité raisonnable voir dans certains cas, occasionnellement. La vraie question est : un excès de consommation de sucres peut-il favoriser la maladie coronarienne ? La question subsidiaire est : si le sucre a une nocivité pour le cœur, à partir de quel niveau de consommation quotidienne ?
Quelles réponses a-t-on à disposition ?
Chaque année, on recense 180 000 décès en France causés par les maladies cardiovasculaires, dont les facteurs de risque incluent le diabète de type 2. D’après une étude récente, les personnes qui consommeraient des sucres ajoutés à hauteur d’un quart de leurs calories quotidiennes auraient trois fois plus de risque de mourir d'une maladie cardiovasculaire que les personnes qui consommeraient moins de sucre.
Les études suggèrent que le saccharose, le glucose et le fructose contribuent à l’augmentation de la pression artérielle, via une élévation de la sécrétion d’insuline et en contribuant à l’augmentation de la rétention de sodium. Le fructose peut favoriser l’augmentation de la pression artérielle en élevant l’acide urique dans le sang.
Les sucres n’augmentent pas le taux de cholestérol sanguin, mais peuvent augmenter, en particulier chez des personnes génétiquement prédisposées, le taux de triglycérides sanguins dont on sait qu’ils favorisent l’athérosclérose. Parmi les sucres, le fructose est celui qui favorise le plus l’augmentation des triglycérides.
Par ailleurs, le fructose peut aussi favoriser l’excès de graisse intra-abdominale. Cette graisse, lorsqu’elle est excessive, est associée à une augmentation du risque de diabète et d’athérosclérose.
Le galactose du lait n’a aucun effet nocif démontré sur le risque cardio-vasculaire.
Ce sont surtout les adolescents qui en cas de consommation excessive de sucre sont les plus susceptibles d’avoir les effets que nous venons de décrire.
Faut-il alors tout craindre ?
Non car les effets des aliments sont complexes. De façon générale, les aliments riches en fibres limitent l'élévation du glucose dans le sang après la consommation de produits riches en sucres, et donc le risque de diabète à long terme. Par exemple les sucres des fruits consommés frais et entiers posent peu de problèmes car ils sont associés à des fibres et à des antioxydants. La consommation de fibres limiterait également le risque d'hypertension. Il a été montré que les végétariens qui consomment plus de fibres ont une pression artérielle plus basse que les non-végétariens.
Alors quelle est la consommation recommandée de sucre ?
La plupart des recommandations internationales, Organisation Mondiale de la Santé (OMS) incluse, préconisent que l’apport en calories des sucres ne devrait pas dépasser 10% de l’ensemble des calories consommées quotidiennement. Par exemple pour un apport quotidien de 2000 Kcal, cela correspond au total à 48 g de sucres.
Même si le sujet ici est le cœur, le principal risque de l’excès de consommation de sucres reste la carie dentaire ! C’est ce risque chez les enfants et les adolescents qui a conduit l’OMS en 2015 à proposer de réduire l’apport à 5% de l’apport calorique total.
Que faut-il retenir ?
Tout est question de quantité : si l’on consomme occasionnellement des aliments sucrés (glaces, gâteaux, friandises, desserts sucrés) et que l’on reste actif et avec un poids normal, tout va bien.
La qualité des produits consommés est aussi importante : il est conseillé de favoriser les aliments complets ou semi-complets (pain, pâtes, riz,…) et de consommer avec modération les boissons sucrées (sodas, limonades,…), voire de les éviter.
Il est également conseillé d’augmenter la consommation de fruits et légumes et de céréales complètes : même s'ils contiennent des sucres, ils apportent des fibres, vitamines, minéraux et antioxydants naturels nécessaires à notre bonne santé.
A table, la boisson de choix, c’est l’eau !
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Rendez-vous VENDREDI 30 AVRIL
pour le deuxième épisode de "LA MINUTE DES EXPERTS"
avec Carole Chazoule, Enseignante-Chercheure, Responsable Scientifique équipe Isara
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